
À 99 ans, l’homme aux 31 expéditions polaires n’a rien perdu de sa superbe. Il continue à défendre les peuples du grand nord.

Comment dresser le portrait d’un géant ? Premier homme à avoir atteint, en traîneau à chiens, le pôle géomagnétique nord, Jean Malaurie est un geocryologue qui a passé une partie de sa vie à étudier les pierres. Il se souvient de sa première expédition polaire. C’était en 1950, à Thulé, au Groenland. En bon conteur, il mime les voix des personnages qu’il évoque, fait parler les interlocuteurs, imite, aussi, le cri des chiens dans la nuit sibérienne.
Dans ses souvenirs, il évoque l’animisme à travers un chaman, Uutaaq, dont la rencontre, dès son arrivée à Thulé, dans le nord-ouest du Groenland, le marqua à vie. Dans « Oser, résister« , il raconte ce premier contact qui fit tout basculer en lui. « Uutaaq, de son regard insistant, me transperce ; ”Je t’attendais”, dit-il, “je ne dors plus ; un malheur va frapper les Inuits, nous allons être envahis par les Blancs.” » Quelques mois plus tard, Jean Malaurie est missionné par le chaman et les chefs inuits pour aller s’opposer à l’installation d’une base nucléaire américaine en construction.
Le 18 juin 1951, Jean Malaurie va au-devant du général US et lui dit : « Go home, mon général. Vous n’êtes pas le bienvenu. » Des paroles qui resteront sans effet sur les militaires, mais scelleront le sort de Jean Malaurie à celui du peuple de Thulé.

L’ethno-historien a longtemps vécu parmi les Inuits. Grand défenseur des minorités boréales et de leur « pensée sauvage », il connaît l’Arctique comme personne. « Ce que l’on peut m’envier c’est ma liberté d’être. J’ai toujours été libre avec moi-même, j’ai gagné cette liberté en devenant marginal dans mon milieu ». En 1943, Jean Malaurie se dit qu’il faut choisir sa vie, et décide d’étudier la géographie-physique. « La pierre est vivante, la pierre a une identité, elle a une dimension. J’ai compris qu’il y avait un équilibre et que la nature était naturante. Je découvrais Jean-Jacques Rousseau ». Pendant quatorze ans, l’explorateur va parcourir l’Arctique et réaliser sa thèse sur les thèmes de recherches géomorphologique dans le nord-ouest du Groenland.

« Nous sommes en 1951. J’ai atteint ce que depuis des années j’ai infiniment souhaité, ce que certains m’envieraient : vivre à l’âge de glace, dans un isolement total». Jean Malaurie fait le récit de sa mission hors norme dans » Malaurie, l’appel de Thulé« .
